Gouttes apres gouttes, l’écuelle de bois se remplit, noire est l’eau qui s’y trouve , aucune lumière ne fuse, l’endroit est désert, sombre et froid, je me demande ce que je fais là. Mon corps est pourtant au chaud sous une épaisse peau de loup, je repose sur une paillasse de peaux à même le sol, moelleuse et douce, ça doit être du mouton, posée là, en plusieurs couches. La peau de loup est grande, mais ce sont plusieurs d’entre elles qui ont été assemblées pour faire une immense couverture. Mon visage au toucher sous mes doigts aveugles semble sec et ne comporte aucune séquelles de mes mésaventures. Tout semble normal mais que fais-je là ?
Une vision horrible enserre mon cœur et mon estomac se noue à ce souvenir :
Je suis allongée semi-comateuse au bord du ruisseau, où j’ai voulu me désaltérer, prise de vomissements, je me suis vu mourir, la peste frappant tous les hommes, je me suis cru atteinte comme ceux que j’avais croisé en chemin qui m’avait brutalisée, dévalisée et laissée pour morte. Des pas légers sur les feuilles gelées font bruisser l’air où même le vent s’est tut, pour ne pas déranger. Un souffle approche de mon visage il est chaud et tiède et semble inoffensif, je n’ose pas ouvrir les yeux. La bête s’assied à coté de moi et se met à hurler à la mort. J’ose regarder surprise par ce geste que je n’attendais pas, j’ai peur que la bête n’appelle ses consœurs afin de mieux partager son repas, j’entends au loin une corne lointaine et ma tête posée sur le sol, le bruit d’un galop de cheval. Le loup recommence et hurle. Je frémis de froid engourdie, je ne sens plus mes membres de plus, la peur me tétanise, je suis paralysée. Le galop se rapproche et le loup hurle de nouveau. Je ne peux rien faire si ce n’est me laisser mourir une deuxième fois. Le galop se ralentit, passe au pas d’un cheval qui avance doucement guidé par un maître qui ne veut pas perdre un indice, puis s’arrête, j’entends le bruit sourd d’un corps qui tombe, et les pas légers qui se rapprochent. Une jeune voix demande : « alors Prisqua qu’as tu donc trouvé ? ». une main ferme me retourne et dans le brouillard de ma vue trouble, je vois une jeune femme entièrement vêtue de cuir , couverte d’une immense cape blanche tenue sous le menton par une broche aux belles armoiries. Elles représente un loup qui hurle à la mort sous la lune, croisé de chaque coté par un drapeau et épée et arc de guerre. La jeune femme ôte son gant et me touche le visage, sa main chaude me fait prendre conscience que je suis encore vivante, elle ordonne à la louve toute blanche de se coucher sur mon ventre afin de me réchauffer et va jusqu’à sa selle chercher une épaisse couverture dont elle envisage de m’envelopper. revenue vers moi, elle constate que sa louve, me leche les mains doucement pour les rechauffer. « c’est bien Prisqua, c’est bien, continue, ma belle ».
J’ai tellement maigri depuis que je suis etendue dans le froid que je suis une plume quand la jeune femme me soulève pour me mettre en travers de sa selle, encore à demi inconsciente, je me laisse faire. Je me souviens, du cheval qui avance au pas, de la nuit glaciale qui tombe et d’elle qui dit à sa louve « encore une nuit et nous la retrouvions morte », puis mes souvenirs s’éteignent de la même force qu’un flot de douleurs me submerge et m’entraîne dans la nuit…
