Une nuit d'automne

La nuit était désormais bien avancée. La lune aux reflets d’argent illuminait les alentours les parant de milliers d’étincelles. Un silence froid enveloppait le chemin. Ses pas étaient lents, mécaniques. Elle ne savait pas où elle allait et n’en avait cure. Elle ne savait plus de toute manière. Son esprit était éteint et s’emplissait des sombres pensées d’un autre temps. Depuis son retour, elle errait. Elle secoua la tête faisant briller des larmes de cristal à ses yeux.

*Non Asa….ton bonheur est avec Fhar désormais…cesse de vivre dans le passé…*

Les larmes s’écoulèrent sur ses joues glacées. La jeune femme se mordit violement la lèvre inférieure.

« Cesse de l’aimer ! »

Elle avait hurlé. Hurler pour chasser ce sentiment qui l’envahissait sans cesse, hurler pour qu’il parte qu’il quitte ses pensées. Elle n’avait pas su le retenir et désormais elle le pleurait. Asa se laissa tomber dans la neige. Sa cape noire et argent l’entoura comme un voile de mort. Les sanglots la ravagèrent. Elle l’aimait…elle l’aimait encore…malgré tout ce qui avait pu se passer…Il aurait mériter son mépris, sa colère, sa haine…Mais elle en était incapable. Lorsqu’elle entendait son nom, son cœur s’emballait battant au rythme des scintillements de son âme. Lui, son regard…leur rencontre…leur amour…Elle avait cru revivre dans ses yeux…elle avait cru à cette flamme qui dansait en elle…elle s’était crue sauvée et pardonnée…Asa hurla de nouveau. Dans la nuit d’argent, une âme saignait. Toutes les images qu’elle avait placé autour d’elle, sa nouvelle demeure, son amour pour Fhar, ses nouvelles activités, tout s’écroulait autour d’elle. Elle ferma les yeux et posa son front sur le sol glacé. Contact apaisant du froid…Si seulement, elle pouvait le revoir…juste un infime instant…Elle soupira, ses larmes brillantes s’écoulant toujours sur son front. Elle se redressa lentement et rouvrit les yeux. Son regard gris était terne et sans vie. Ses joues étincelaient des sillons de sa douleur. Un sourire de dégoût étira ses lèvres.

*Finalement, ton passé te rattrapera toujours. Pauvre fille !*

Elle continua d’avancer sur le chemin qui s’ouvrait sous ses pas. Son regard se posa sans le voir sur le paysage merveilleux qui s’offrait à elle. La lune dardait ses rayons d’argent sur le lac gelé. Sa surface était parcourue de milliers de marbrures bleutées qui s’enroulaient en arabesques étranges. Dans les cieux, les étoiles étincelaient comme autant de diamants perdus. Asa soupira. Autrefois, elle aurait sûrement admiré ces lieux mais sa douleur arrachait toute beauté. Elle finit par rencontrer un bâtiment. Elle leva les yeux et se rendit compte qu’elle se trouvait près de la chapelle. Elle tomba à genoux sur les marches gelées. Son visage la hantait. Son regard si doux et étrange à la fois la pénétrait à chaque fois qu’elle fermait les yeux. Ses sanglots la secouèrent. Elle resta ainsi prostrée priant un dieu qui semblait l’avoir abandonnée.

Perdu dans sa méditation mystique avec le Très Haut, ayant perdu toute notion du temps
En serait il donc toujours ainsi, la souffrance serait elle toujours et inlassablement sa compagne de route
Pourquoi se refuser le droit au bonheur, combien de temps à endurer les affres de la douleur, pourquoi n’arrive t’il pas à se pardonner, pourquoi continuer ce jeu cruel

Elle apparue au tréfonds de la noirceur de sa vie, éclairant de sa beauté l’obscurité dans laquelle il s’était enfermé si longtemps, trop longtemps, elle qui l’avait vainement tenté de fuir et qui sans cesse prenait forme à ses yeux, ici, ailleurs, elle restait la, présente en lui, se perdant dans d’autres bras, d’autres….ces femmes qui l’espace d’un moment lui donnaient l’illusion quand au plus fort de leur échange c’est à elle qu’il pensait, c’est elle qui l’aimait à travers ces autres

Enfer et damnation, ouvre les yeux, ce cri lointain qui vient de déchirer le silence, serait il l’écho de sa propre souffrance, regard hagard sur ce qui l’entoure, l’autel se dresse devant lui, éclairé de ces petites bougies qui brillent de mille éclats, se reflétant sur les draperies tendues, dansant sur les boiseries, donnant à l’ensemble cet air surréaliste d’apaisement

Quel contraste, ombre solitaire meurtrie dans ce lieu de quiétude, l’enfer dans un coin de paradis ! Il se sent oppressé tout à coup, le souffle lui manque, son pouls s’accélère, respiration saccadée, il se lève brusquement, l’air, il lui faut de l’air, se dirige sur le seuil de la chapelle, s’appuie dans l’embrasure et respire à pleins poumons l’air frais et vivifiant de la nuit, sa respiration se fait plus fluide, l’air circule à nouveau dans son corps

Oh ! Seigneur…non !....si il n’était pas en appui, il en serait tombé à la renverse….est ce son esprit torturé qui lui jouait des tours, elle ne pouvait….reste stupéfait…..Asa…..la belle et si douce Asa…..agenouillé, sur les marches de la chapelle….le corps recroquevillé, prit de sanglot…….était ce cela la réponse à ses prières…devoir l’affronter à nouveau….la voir paraître sous ses yeux…….pourquoi leur infliger cela….n’avait il pas souffert suffisamment tout les deux….

Il s’approche, se glisse à ces côtés, la saisit doucement par les épaules, la soulève dans ses bras et l’emmène à l’intérieur de la chapelle, la dépose délicatement sur un banc, elle semble si absente, son teint est blafard, ôtant son manteau dans lequel il l’emmitoufle, s’agenouillant en face d’elle, prend ces mains entre la sienne, elles sont gelées, son autre main vient se poser sur sa joue

Asa….c’est tout ce qu’il arrive à prononcer

Elle qui le hante encore et toujours, elle est là devant lui, semblant affligée, portant le poids du monde sur ces épaules
Il la croyait heureuse, ne lui avait on pas dit que….alors pourquoi ? Que faisait elle ici ?

Son esprit n’était qu’un couloir obscur. Elle y avançait lentement comme par mécanisme. Seule, isolée dans ses pensées sombres, Asa ne ressentait plus rien. Ni les larmes qui s’écoulaient encore sur ses joues, ni le froid dont la morsure devenait de plus en plus vive sur sa peau. Elle n’était plus. Derrière ses paupières closes, dansaient des images étranges et distordus de son passé. Les mots lui parvenaient encore atténués, comme traversant des nappes de brouillard opaque.

*Estefan…pourquoi…*

Son cœur ralentissait peu à peu la plongeant dans une léthargie fatale. Mais la jeune femme ne se battait plus. Tant de fois déjà, elle avait fait le choix de se relever et de combattre. Cette fois-ci était celle de trop. Soudain, quelqu’un la souleva. Doucement, avec d’infinies précautions…presque tendrement…Elle sentit la chaleur d’un corps contre le sien, les ondulations d’un vêtement contre sa peau, un regard posé sur elle. Mais elle était déjà si loin. On l’a posa sur un banc. Alors lentement, comme sortant d’un profond sommeil, elle ouvrit les yeux. Des yeux gris, sans éclat…dépourvus de vie…Le brouillard de son esprit s’étira, se tendit et finit par se déchirer. Le scintillement des bougies lui parvint alors ainsi que les reflets dansants sur les boiseries. Elle referma les yeux. Tout cela n’avait plus d’importance…elle se laissa de nouveau aller à ce sentiment d’oubli. Quelqu’un lui posa un manteau sur les épaules. Elle ne bougea pas. On lui prit les mains, elle ne le sentit qu’à peine. On effleura sa joue et puis…on prononça son nom. Elle frémit.

*Non…cela ne pouvait…il ne pouvait estre là…non…et pourtant…*

Et pourtant cette voix si suave et chaude, elle la connaissait si bien…Elle secoua doucement la tête, des larmes perlant à ses yeux clos et ruisselant sur ses joues. Il ne pouvait être là. Elle se trompait encore…Elle releva lentement la tête et ouvrit les yeux. Son regard gris terne se posa sur celui qui l’avait porté là. Ses larmes redoublèrent.

*Estefan…*

Elle ne pouvait parler. Ses mots étaient bloqués en travers de sa gorge. Ses lèvres frémirent mais rien ne s’en échappa. Pourtant, au loin une minuscule flamme émergeait de cendres froides. Alors sans un mot, elle se blottit contre lui, passant ses bras sans force autour de son cou. Elle savait qu’il la repousserait certainement, qu’il ne voulait pas d’elle. Mais de le voir là si près, dans un moment où elle se pensait perdue…elle ne pouvait s’en empêcher. Son étreinte se resserra quelque peu et ses larmes redoublèrent. Dans le silence de la nuit, Asa pleura.

Petit corps figé de froid, semblant si lointain, perdu dans les méandres, son regard vide de toute expression, les larmes qui coulent le long de ces joues, tout son être semble suspendu comme ayant arrêté sa course, semblant vouloir se poser et s’arrêter de lutter, un son à peine audible murmuré du bout des lèvres

Ce petit corps fragile qui vient chercher refuge au creux de lui, il l’enlace, la soulève avec précaution, s’assois et la dépose sur ses genoux en prenant soin de la couvrir de son manteau
Il la tient tout contre lui, la berçant presque, caressant ces cheveux, frémit, elle semble si fragile et désemparée, un frisson d’effroi le parcourt, resserre instinctivement son étreinte pour lui insuffler un peu de vie et de chaleur dans le vide et l’absence de cet être qui s’abandonne à la souffrance

Nul besoin de mot pour comprendre qu’il est la cause de se désastre, elle lui en a fait la confession en venant se blottir tout contre lui, n’est ce pas celui qui vous fait tant de mal qui a le pouvoir d’apaiser le tourment qu’il inflige, il ne le sait que trop !
Il la pensait heureuse, à l’abri de la souffrance, loin de lui et voila qu’elle apparaissait affligée, déchirée par la douleur

Deux êtres silencieux, deux corps enlacés au milieu de ce lieu saint, seul témoin de leur tourment, de leur souffrance réciproque, tout son être qui se tend vers elle et qui n’aspire qu’à l’aimer, ressent elle cette onde de chaleur qui l’envahit, ce bien être qui s’empare de lui, peut elle ressentir cette lueur d’espoir qui vient renaître, forte et étincelante bousculant, emportant la noirceur et l’obscurité qui envahissait son être, ce lien imperceptible qui les unissait autrefois et qui opère à chaque fois qu’ils sont l’un près de l’autre

Sa tête repose dans le creux de son bras, ces yeux sont fermés, il retire les mèches qui barrent son visage, découvrant à ses yeux ces traits fin et délicat, dessinant le contours de ces lèvres qu’elle adore mordiller, sa main effleure la douceur de sa peau, elle ressemble à une poupée de porcelaine reposant dans son écrin
Son regard voilé ne la quitte plus, cette vision, il ne la connaît que trop, elle est ancrée au plus profond de lui tout comme cette impression d’absolu qu’il ressent quand il est auprès d’elle

Ne me laisse pas…ne m’abandonne pas…que vaut ma vie si tu n’es pas auprès de moi….formulation de ses pensées, de son ressentit, mots prononcés dans un souffle sans qu’il ne s’en rende compte

Son corps était secoué de lourds sanglots. De vagues de douleur déferlaient en continue sur son âme. La jeune femme était prostrée, dévorée par sa souffrance. Elle n’avait plus la force de se battre. Son cœur battait si lentement. Un frisson la parcourut secouant ses épaules. Le froid l’envahissait. Déjà, elle ne pouvait pu ressentir la chaleur d’Estefan près d’elle. Pourtant, elle le devinait contre elle. Elle ferma les yeux. Plus rien ne la retenait à la réalité. Elle n’avait qu’un souhait fuir tout cela. Elle pensa à mourir.

*Tout serait si simple…plus de douleur…plus de larmes…*

Cependant, au plus profond de son être qui saignait, une flamme fragile s’élevait de nouveau. Petit à petit, elle tentait de réchauffer l’âme de la jeune femme. Mais les épines de glace étaient plus solides, plus acérées, plus froides qu’auparavant. Pourtant, elle était là. Asa se sentit soulevée.

*Et voilà, il me repousse…il ne veut point de ma présence…c’était si…*

Elle frémit et malgré elle, son étreinte se fit plus pressante. Ses lèvres frémirent mais sa voix semblait scellée. Elle enfouit son visage contre lui. Mais il finit par la poser délicatement sur ses genoux. La pression redescendit d’un coup. Elle l’enserra tendrement contre elle. Elle ne voulait plus qu’il parte. Elle voulait…elle voulait…ses larmes cessèrent. Estefan la caressa du bout des doigts. Son front…sa joue...ses lèvres….Elle frémit de nouveau mais plus de froid ni de douleur…Ce contact…si doux…si…elle aimerait le prolonger toute la nuit. Elle ouvrit lentement les yeux. Des volutes grises s’y enroulèrent étrangement. Il était là, penché au dessus d’elle, veillant sur elle. Des larmes brillèrent mais ne s’écoulèrent pas. Il lui parla…doucement…presque malgré lui…Ces mots…Ses pensées…son regard étincela, chercha le sien…Elle sut…Depuis leur rencontre, elle n’avait aspiré qu’à cela…ce qu’elle voulait le plus au monde, c’était vivre à ses côtés…Son cœur s’accéléra brusquement. Le sang revint dans ses veines. Son souffle devint plus régulier et profond. Son regard était redevenu sien. Elle se redressa un peu, restant blottie contre lui.

« Estefan… »

Sa voix douce et pleine de tendresse pour celui qu’elle aimait, passa la barrière de ses lèvres. Elle plongea le gris de ses yeux dans les siens. La vie lui revenait en même temps que l’espoir.

Le cœur épris et l’âme acquise
Jamais il n’avait ressentit un tel trouble, un tel émoi
Son souffle venant effleurer ses lèvres quand elle soupire son prénom, quelle caresse exquise, quel supplice enivrant
Son cœur qui bat à tout rompre, cette impression contradictoire qui s’empare de lui, de mourir sous la morsure de sa bouche et de renaître sans cesse, découvrant une multitude de sensations nouvelles, est ce cela la folie de l’amour ? Est ce cela mourir d’amour ? Alors oui ! Il veut mourir cent fois

Que jamais ne s’arrête cette ivresse de sentiment qui s’empare de leurs deux êtres
Ils sont emportés par ce tourbillon d’émotions, bercer entre amour et passion, trop longtemps contenue, rompant fébrilement toutes les barrières, tout les interdits, plus rien ne compte à part l’autre, ou est la raison, la convenance dans cet embrasement des sens

Sentir ce corps effronté, épousé tout ses sens, ce corps qui frémit, qui se presse contre le sien à le rendre fou
Ses mains qui s’égarent, de sa chevelure soyeuse à la courbure de ces reins
Cet appétit, cette soif qu’il a d’elle se répand dans tout son être, tel un feu ardent, embrasant tout sur son passage, au diable ! la raison, la convenance, il ne pense plus qu’à se perdre au plus profond d’elle, marquer à tout jamais son corps, que la nuit n’en finisse plus

Asa…..sa belle et douce Asa….tant de fois il l’a imaginé, rêvé et elle est là, répondant avec ardeur…réalité ?.....conscience ?.....que se passe t’il tout à coup ?....non !....non !....tu es fou !

S’arrachant à son étreinte, la tenant à bout de bras, il pose son regard brûlant sur elle, elle semble désemparée tout à coup, cherchant à nouveau à se blottir contre lui, il la retient, l’en empêche

Asa ! le ton n’est pas convaincant

Ne la regarde pas ! Lache-la, jamais tu n’y arrivera aussi non ! Bon sang !
Comment a-t-il pu faire une chose pareille ? Ici, dans cet endroit, avec elle ? A quoi pensait il ? A elle justement ! Elle encore et toujours elle ! Et voila qu’elle apparaissait encore plus belle et envoûtante……secoue la tête dépité, soupir, la regarde

Asa….il ne sait que lui dire, il n’arrive plus à raisonner….c’est vraiment ce que vous voulez ?

Mais quel crétin ! Pourquoi avoir dit ça, comment pouvait il lui poser la question !!!!!!
Et bien si ! Justement ! Il devait savoir, il ne voulait pas que ce soit juste sur le coup de l’émotion ! Pas question de regret ou de remord ! Elle devait être certaine, cela impliquait beaucoup de chose
Jamais il n’avait désiré une femme comme il la désirait et voila qu’il se mettait à raisonner
Rrrraa bon sang ! Qu’elle dise quelque chose, parce qu’il ne tiendrait pas longtemps
Son regard voilé, ces cheveux défaits, sa bouche gonflée par leurs baisers, elle était si….elle était tout….tout ce qu’il voulait, tout ce qu’il aimait

Les étoiles se ternirent lentement. Des nuages voilèrent leur éclat, assombrissant la nuit qui pourtant touchait à sa fin. Au tréfonds de l’infini, des lueurs annoncèrent la venue de l’aurore. Mais là sur une terre prisonnière de glace, au cœur d’une chapelle posé dans l’écrin d’un lac gelé, deux êtres s’aimaient d’une passion retrouvée. La lumière de leurs âmes faisait frémir les alentours.

Son âme s’enflammait. Au travers des ses veines, coulaient des fleuves brûlant de passion de désir. Son regard étincelait de milles feux, plongeant avec délice dans celui d’Estefan. Les glaces de son esprit n’étaient plus que vapeurs scintillantes qui s’embrassaient continuellement. Son corps crépitait d’une envie sans nom. Soudain, elle comprit pleinement les sentiments qui l’emplissaient par vagues étranges. Elle frémit se pressant un peu plus contre lui. Elle aurait voulu se fondre en lui, disparaître en son esprit pour qu’enfin elle puisse vivre. Elle soupira. Ses lèvres courraient sur lui, ses mains caressaient sa peau presque malgré elle. Elle se perdit dans son regard.

*Oh Estefan...si vous saviez…que cette nuit soit éternelle…*

Soudain, il la repoussa. Moment d’incompréhension. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise, cherchant dans son regard une réponse. Ses lèvres s’entrouvrirent mais aucun mot ne s’y échappa. Elle frémit de nouveau. Elle tenta de retrouver ses bras, sa chaleur si rassurante. Et puis, il y eut ses mots. Son nom tout d’abord puis cette question. Elle fronça légèrement les sourcils. Que se passait il ? Hésitait il ? Ne voulait il point la même chose qu’elle ? Elle le dévisagea. Que voulait il d’elle ? Ses cheveux cascadaient sur son visage, des mèches lui couvrant le front. Elle lui prit les mains sentant qu’il la laissait faire. Asa n’était plus la jeune femme dont l’apparence était connue de tous. Elle était redevenu la femme belle et sauvage qu’elle avait été il y si longtemps. Son regard brilla mutin et ses lèvres esquissèrent un sourire étrange. Elle semblait rayonner. Elle écarta les mains d’Estefan et vint se plaquer contre lui. Son visage vint contre le sien et ses lèvres effleurèrent son oreille. Sa voix était languide pleine de promesses.

« Pensez vous que je puisse vouloir autre chose en cet instant ? Pensez vous qu’il puisse estre autrement ? Pensez vous que je puisse ne point vouloir vous appartenir ? »

Elle s’écarta un peu de lui et lui sourit. Elle l’embrassa alors de nouveau, d’un baiser profond et passionné qu’elle fit durer.

Dans ce voile d’obscurité, cachés aux yeux du monde, deux êtres enlacés se sont aimés, moment partagé, que jamais il ne pourra oublier
La nuit a laissé place aux couleurs de l’aurore, deux corps enlacés qui sommeillent
Léger mouvement, qui vient perturber son repos, il a froid tout à coups, resserre instinctivement son étreinte, soupir d’aise quand cette source de chaleur revient reprendre sa place à l’ancre de lui

L’esprit erre encore dans les volutes ouateuses des songes, le corps lui s’éveille lentement, prenant conscience d’une caresse, un baiser et l’écho d’une voix vient tinter à son ouïe, ranimant sa conscience, en une fraction de seconde, l’esprit se fait clair et limpide

*vous savez Estefan…je crois que je vous aime..*

Sourire narquois qui s’esquisse sur ses lèvres, sans un mot il bascule sur elle, pesant de tout son poids sur elle, son regard énigmatique plonge dans le sien, emprisonne ces mains dans les siennes

Vous croyez ? l’embrasse tendrement

Ainsi prisonnière de son emprise, elle n’a d’autre choix que de subir, mille et un supplices
Torture délicieuse qu’il lui inflige, esquissant de ces caresses un parcours exquis, son corps frémit, frissonne
Son regard se trouble, ces joues s’empourprent, elle mordille ces lèvres qui ne peuvent retenir ces soupirs langoureux
Elle se tend, se cambre vient impatiente chercher la caresse, sa main descend lentement sur les parois de l’envie, l’adorable fleur de son corps s’épanouie, son corps s’enflamme, la rivière enchantée devient source de chaleur, d’ivresse, ondulant sous l’effleurement
Le souffle est court, gémissant une complainte lancinante, son corps implorant de mettre fin au supplice dans lequel elle plonge avec délice

Son regard est une supplique, leurs bouches se cherchent, se trouvent en un baiser fiévreux, il abandonne sa bouche, la regarde sans vergogne, mourir d’impatience sous l’attente et pourtant il ne viendra pas, pas maintenant, un petit cri enragé et frustré s’échappe de sa gorge quand elle comprend qu’il ne viendra pas mettre fin à son tourment, accentuant, exacerbant sans cesse son émoi, ne lui laissant aucun répit que le désir en devienne impétueux, ne lui laissant plus aucune once de bon sens

Et maintenant….vous croyez toujours ?.....mot soufflé sous la morsure de ses baisers

*Oh Estefan …vous estes cruel, le savez-vous ?*

Sourit, l’embrasse, la regarde

Cruel ?...non je ne pense pas…je dirais plutôt persuasif…son rire se calqua au sien

Seigneur qu’elle est belle, ce regard brillant de mille éclats, son visage illuminé de joie et ce rire cristallin qui résonne dans ce lieu

*Cela suffit ! J’ai compris, j’ai compris !*

Il ne répondit rien, pas convaincu, jusqu’à ce qu’elle vienne se blottir tout contre lui et lui murmurer

*Je vous aime Estefan…*

Telle une caresse ces mots vinrent se graver en lui, fermant, les yeux, pour s’en imprégner encore plus
Ces mots pouvant sembler banale car trop souvent dit et trop vite, prenait une tout autre connotation dans la bouche de celle qui faisait battre son cœur
C’était comme un baume apaisant, comme si de ces simples mots tout la douleur et les années de cauchemars s’évaporaient, emportant ses souffrances

Il l’enlaça avec une infinie douceur, que chacun de ses gestes, de ses souffles lui transmettre tout ce qu’il n’exprimait pas avec des mots
Comment lui dire, lui exprimer alors que les mots lui semble vain, elle est tout ce qu’il voulait, tout ce qu’il désirait, tout ce qu’il chérit le plus, ce sentiment si fort qu’il éprouve, elle fait vibrer sa chair, son cœur, son âme de mille sursauts

Le temps s’égrenait peu à peu, la lune avait disparu depuis longtemps, le petit matin c’était couvert de brouillard et d’embrun, ils auront encore bien d’obstacles à affronter mais c’est d’un pas plus serein qu’il accomplira ce destin qui l’attend, alors qu’il croyait que tout était perdu, qu’il n’y avait plus d’espoir, elle était apparue, plus rien ne lui semblait impossible, plus rien ne serait infranchissable auprès d’elle

Elle venait de remettre sa cape sur ces épaules quand il l’enlaça, l’embrassant tendrement, le glas de la séparation sonnait et se rapprochait inexorablement, la tenant tout contre lui, son regard plongé dans le sien

Asa….caresse sa joue…je suppose que….ses yeux emplit de tendresse ne la quitte pas….que vous savez que je m’en vais, je quitte Montélimar définitivement, mes terres sont vendues

Le matin s’avançait inexorablement. Les brumes habituelles vinrent enlacer avec tendresse la chapelle éclairée par des rayons audacieux. Asa s’était levée et ramassait sa cape avec lenteur. Son regard gris désormais flamboyant se posa sur le vitrail coloré qui filtrait la lumière, la décomposant en milles taches dansantes. Un sourire éthéré étira ses lèvres. L’air était frais et sentait la neige. La jeune femme plaçait avec délicatesse sa lourde cape lorsqu’elle sentit sa présence contre elle. Elle ferma les yeux et lui fit face. Sans ouvrir les yeux, elle se blottit contre lui. Un frisson la parcourut. Leurs chaleurs corporelles se mêlèrent lentement les entourant d’une bulle invisible. Elle soupira, le visage enfoui contre son torse. Un profond sentiment de sérénité et de tendresse l’emplissait, illuminant son être. Il lui releva la tête avec douceur et l’embrassa. Leurs esprits s’enlacèrent avec délice. Le repoussant légèrement, elle ouvrit de nouveau les yeux. Elle savait son départ proche et ne pouvait imaginer son temps sans lui. Un voile de douleur passa un infime instant sur son visage.

Je quitte Montélimar définitivement, mes terres sont vendues

Elle hocha la tête, incapable de le regarder plus longtemps. Ses lèvres s’asséchèrent mais elle se força à parler. Elle ne voulait plus le perdre…pas de nouveau…

« Je le sais Estefan… »

Elle releva la tête vers lui et plongea dans son regard. Toute peur la quitta à l’instant laissant place à l’amour qu’elle pouvait lire au fond de ses yeux. Un tendre sourire naquit sur ses lèvres.

« Et je ne peux vous en empêcher…tout comme vous ne pouvez m’empêcher de venir avec vous… »

Elle se tut un instant.

« Je ne supporterais point de devoir vous abandonner de nouveau. Acceptez de m’avoir à vos cotés, Estefan. Je vous en prie…ne me laissez point seule… »

Des larmes perlèrent à ses yeux gris. Elle se blottit contre lui, les laissant s’écouler en silence sur ses joues.